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LA MAISON DE BARBERINE

Les Vallorcins et leur église, 750 ans d’histoire de la vallée (1)

21 Septembre 2022 , Rédigé par Maison de Barberine Publié dans #Exposition, #Eglise

Parchemin de la donation de la vallée de Chamonix

RETOUR SUR L'EXPOSITION DE 2022

« Les Vallorcins et leur église, 750 ans d’histoire de la vallée » c’est le titre de l’exposition qui a été présentée par la Maison de Barberine durant l’été 2022. Un certain nombre de visiteurs ont souhaité pouvoir avoir accès aux informations qui étaient présentées. Nous avons donc décidé de publier une série d’articles sur le blog de notre association qui reprennent les textes et illustrations présentés lors de l’exposition. C’est aussi l’occasion d’y ajouter des compléments car sur la plupart des sujets nous avons dû omettre certains détails, certains faits, par manque de place sur les panneaux.

Pourquoi avons-nous choisi ce sujet pour l’été 2022 ?

C’était assez évident car la restauration de l’église entreprise au début du 21-ème siècle touchait à son terme. Nous aurions pu nous contenter de présenter l’avancement des travaux et l’état final de la restauration. Mais il aurait été dommage ne pas saisir cette opportunité pour remonter aux origines et explorer les relation des Vallorcins et leur église ainsi que les contextes historiques.

Une église exceptionnelle:

On trouve habituellement une église, construite sur une place centrale, à proximité de la mairie et des commerces. Celle de Vallorcine est située à presque un kilomètre du cœur du chef-lieu actuel, entre le Sizeray et le Mollard , et surtout elle se dresse dans un couloir d’avalanches actif.

Un résumé des origines:

Vers 1091, La vallée de Chamonix avait été donnée par le comte de Genève à l’abbaye de Saint Michel de la Cluse située dans le Piémont. Il semble que l’abbaye n’y installa le prieuré qu’un siècle plus tard. A partir de ce moment-là, le droit de propriété, le pouvoir civil et l’autorité ecclésiastique se trouvèrent réunis dans les mains du Prieur de Chamonix.

Les premiers Vallorcins dénommés Teutonici dans la charte d’albergement de 1264,  accordée par le Prieur étaient des colons d’origine Walser venus du Haut-Valais.  Ces habitants de Vallorcine jouissaient alors d’une liberté complète.

Ils furent inclus dans le fief de Chamonix et reconnurent peu à peu, non sans réticences, l’autorité du Prieur.

Le Prieur de Chamonix, Richard de Villette (prieur de 1255 à 1296), nomme le 8 mai 1272 Thomas de Begna (Bagnes) curé de Vallorcine  (Valle ursine*). Il déclare le 8 juin 1288 avoir fait reconstruire l’église sous le vocable de Notre Dame.

(*) Suivant les documents, suivant les siècles l’appellation, l’orthographe d’un lieu change. Il en est ainsi de Vallorcine : Valorsine, Vallorsine, Valle ursine, Valle ursina, Vallis ursine, Valis ursina, …

Il en est de même pour Chamonix : chamunis, Chamouny, Campum munitum ( 1091),  Campi mutini, Campimutini(1264 en latin)

 

Les articles que nous allons publier :

Le texte qui suit est le premier article d’une série. Les articles reprendront les thèmes de l’exposition .

Thèmes

  • Préambule historique
  • XIIIème siècle, le Prieuré de Chamonix et les Walser
  • Le Prieur, seigneur des vallées de Chamonix et de Vallorcine
  • Fondation de l’église de Vallorcine, emplacement
  • Première période française pendant la Révolution
  • La reconstruction de 1755
  • Le baroque savoyard : émergence d’un style architectural dicté par l’histoire et la géographie
  • Restauration du XXIème siècle: le projet et découvertes
  • Mobilier et cloches de l’Église
  • Pèlerinages et JAC

 

Les Vallorcins et leur église, 750 ans d’histoire de la vallée (1)

I - PRÉAMBULE HISTORIQUE :

Burgondes et Bourgogne :

C’est au IVe ou V e siècle, c’est à dire vers la fin de l’empire romain que le nom Savoie apparaît sous la forme de « Sapaudia ». En 443, Aetius, le général qui repoussera les H

uns, installe les « Burgondes », un peuple germain qui était auparavant autour de la ville de Worms, vers la « Sapaudia » sur les rives du Léman.

« Sapaudia Burgundionum reliquiis datur cum indigenis dividenda »

Ce qui est traduit par : La Sapaudia est donnée à ce qui reste des Burgondes pour être partagée avec les indigènes.

La Sapaudie en 443 (vert foncé) et le territoire du futur Royaume de Bourgogne (534-843) en 476 (vert clair). Elle recouvre alors la plus grande partie du Plateau suisse

Les Burgondes sont ensuite remplacés par les Francs d’Austrasie qui continuent le royaume Burgonde. Le pays prend alors le nom de royaume de Burgundia.  Après une parenthèse carolingienne, ce royaume se reforme en deux royaumes en 879 avec Boson qui est élu roi dans la Partie Sud, et en 888 avec Rodolphe 1er qui est élu roi pour la partie Nord.

Les Bosonides garderont d’abord la partie Sud mais les Rodolphien réuniront ensuite le royaume en 926 avec le roi Conrad le Pacifique.

En 1032, le roi Rodolphe III lègue le royaume à l’Empereur du Saint Empire romain germanique.

À sa mort, le royaume de Bourgogne et la cité de Genève passent sous suzeraineté impériale.

 

En l’an 1000 la société est profondément religieuse.

Genève devient le siège d'une organisation distincte, à la tête de laquelle est placé un Prince ecclésiastique, l'Évêque de Genève.  Le diocèse de l'Évêque de Genève inclut le Faucigny et donc la vallée de Chamonix.

Diocèse de Genève, décanat de Sallenches dont fait partie la peroisse de Chamonix
Diocèse de Genève, décanat de Sallenches dont fait partie la peroisse de Chamonix

L’Évêque de Genève exerce seul la seigneurie temporelle sur la ville et la banlieue de Genève.  Mais il exerce, dans l'étendue du diocèse , dont le Faucigny, des régales importantes, et pour ces droits, il relève immédiatement de l'Empire. L'Évêque est le supérieur féodal du comte de Genève. Les seigneurs de Genève, qui ne possèdent que deux districts en périphérie de Genève avec les bailliages de Gaillard et de Ternier, ne détiennent que les pouvoirs d'avoué — « défenseur civil et armé de l'Église » —  et celui d'exécutant des sentences criminelles (haute-justice).

Dans les siècles qui suivent on va assister à des luttes animées entre l'Évêque de Genève, les citoyens et les seigneurs laïques du voisinage (Familles De Genève, de Faucigny , de Savoie). Cela finira par l’entière émancipation de Genève, à son alliance avec des cités helvétiques et à l'établissement de la Réformation.

Une histoire de famille et d'héritage:

Deux familles ont joué un rôle politique important dans la vallée de l’Arve: les DE GENEVE et les DE FAUCIGNY .

Vers 1060, Gérold de Genève et Louis Ier de Faucigny représentent ces familles. Ils vont successivement épouser Thetberge ce qui fait que, quelques années plus tard, Aymond de Genève, Guillaume I er de Faucigny et l’évêque de Genève, Guy de Faucigny, sont demi-frère, tous ayant la même mère « Thetberge ».

Comtes de Genève et seigneurs de Faucigny
Familles De Genève et De Faucygny vers 1050 - 1150

Les deux familles chercheront à contrôler le territoire et les hommes en plaçant leurs cadets aux postes d’Évêque, et de prieurs, en créant et/ou dotant abbayes et prieurés.

En 1090, le comte Aymond de Genève, en cédant au couvent de Saint-Michel de la Cluse le territoire de Chamonix, rappelle expressément qu'il fait partie de son comté. Il en conserve, toutefois le droit de garde  ( qui sera disputé par la suite avec la famille de Faucigny). Dans l’acte de donation de la vallée de Chamonix par Aymond de Genève, Willelme ( Guillaume) et Amédée de Faucigny, frères uterins du comte ( ils étaient fils de Tétberge d'abord mariée à Louis de Faucigny et ensuite à Gérold de Genevois) et Turembert de Nangy y figurent à titre de témoins.

Possessions des Comtes de Genèves et seigneurs du Faucigny vers 1350
Possessions des Comtes de Genèves et seigneurs du Faucigny vers 1350
Accédez en ligne au regeste Genevois

Abbaye de Sain Michel de la Cluse et Prieuré de Chamonix

Bien que la donation du fief de la vallée de Chamonix soit datée des environs de 1090/1091, ce n’est qu’au début des années 1200 que des traces écrites du prieuré de Chamonix existent dans des documents où apparaissent comme témoins curés et prieurs de Chamonix .

La donation de 1091 et les lettres de garde de 1202 et de 1205, n'indiquent point l'époque et le mode d'établissement du prieuré de Chamonix, ni ses rapports de dépendance vis-à-vis de l'abbaye. Dans le second de ces actes, passé en présence de Pierre, abbé de Saint-Michel, figure le chapelain de Chamonix, ce qui établit seulement l'existence d'une église ou chapelle.

Ce n'est qu'en 1224. Soit longtemps après l'acte de donation à Saint-Michel de la Cluse, qu'Humbert, premier prieur de Chamonix, qui nous soit connu, figure dans un règlement de différends survenus à propos du fief, de la famille Boutellier (Botellers).

C’est avec Richard de Villette que l’autorité des prieurs de Chamonix se développe. Celui-ci déploie une grande activité pour asseoir son autorité, et c'est de lui que date réellement l'organisation du prieuré et la prise de possession de toute la vallée.

En 1264, il établit le pouvoir des prieurs à Vallorcine par un acte de concession d'albergement accordé aux Allemands qui l'occupent, acte qui est ratifié par l'abbé de Saint-Michel qui le reconnaît comme utile au prieuré.

Huit ans plus tard, il y fait construire une église dont il nomme le curé et la fait rebâtir en 1288.

L'esprit élevé de Richard de Villette, son intelligence et la haute influence qu'il avait acquise, le désignèrent aux suffrages des moines de Saint-Michel de la Cluse qui le choisirent pour abbé en 1292. Il dirigea le prieuré de Chamonix jusqu'en 1296, ainsi que le montrent divers actes où il figure en sa seule qualité de prieur.

Son successeur fut Guillaume de Villette, son frère, qui continua, sous ta direction de son supérieur immédiat, t'œuvre du développement des propriétés directes du prieuré.

Abbaye de Saint Michel de la Cluse
Abbaye de Saint Michel de la Cluse

Charte d’albergement de Vallorcine en 1264

« Nous frère Richard, prieur du prieuré de Campusmunitus (Chamonix), du diocèse de Genève, à tous ceux qui liront le présent texte, faisons savoir que sciemment et de plein gré, sans y avoir été conduit par quelque ruse ou crainte, mais assuré de droit et de fait, nous avons donné et concédé, en notre nom et au nom de nos successeurs, à titre d’albergement perpétuel, aux Theutonici de la Vallis Ursina ( vallée des ours)et à leurs héritiers, la moitié de la Vallis Ursina ( vallée des ours) susdite.

Cette vallée est délimitée d’un côté par l’eau appelée Berberina (Barberine), d’un autre par la montagne appelée Salansus (Salenton), d’un autre par le lieu où naît l’eau appelée Noire jusqu’à la limite qui sépare le territoire de Martigniacus (Martigny) et le territoire de l’église de Campusmunitus (Chamonix).

De même nous signifions que les hommes sus dits nommés Theutonici, et leurs héritiers demeurant au même endroit, soient les hommes liges du susdit prieuré de Chamonix et soient tenus d’acquitter annuellement à la fête de Saint Michel archange huit deniers de service et à la Toussaint chaque année quatre livres de cens au Prieur de Chamonix du moment, sommes à verser et à acquitter intégralement.

Et si quelqu’un des susdits Theuthonici veut se déplacer en un autre lieu, nous faisons savoir qu’il pourra emporter ses biens meubles avec lui librement et absolument, ainsi que vendre ses propriétés, le droit du domaine de Campus Munitus (Chamonix) étant sauvegardé, mais à des hommes liges du dit prieuré et non à d’autres.

D’autre part, ils pourront demeurer en paix et libres de menées, de visites et de corvées, et dans le respect des autres usages, droits et coutumes de l’église ou du prieuré de Chamonix, ils doivent obéir au prieur du dit lieu et sont tenus de répondre en tous points, dans le respect des droits de propriété et de seigneurie du dit prieuré conformément à ce qui est en usage et jouissance chez les autres hommes de Chamonix. En foi de quoi nous, prieur susdit, avons apporté notre sceau pour qu’on l’appose sur la présente page. »

Fait au cloître de Chamonix, l’année du seigneur 1264, le deuxième des ides de mai (le 14)

 

Sources:

Regeste genevois, ou Répertoire chronologique et analytique des documents imprimés relatifs à l'histoire de la ville et du diocèse de Genève avant l'année 1312 / [publié par C. Lefort]. 1866.
Regeste dauphinois, ou Répertoire chronologique et analytique des documents imprimés et manuscrits relatifs à l'histoire du Dauphiné, des origines chrétiennes à l'année 1349. Tome 1,Fascicules 1-3 / par le chanoine Ulysse Chevalier
Mémoires et documents publiés par l'Académie du Faucigny Tome VII / Lucien GUY : Origines des dynasties lémaniques et du Faucigny
Visites Pastorales du Diocèse de Genève-Annecy ( 1411 - 1920) (https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6539682z)
Les billets de réquisition durant les occupations étrangères en Savoie (1536-1749) / Par l'Abbé Lucien Chavoutier
Inventaire sommaire des archives départementales antérieures à 1790. Haute-Savoie, archives civiles, séries A. B. et I. C. - I. C. IV / rédigé par MM. Max Bruchet et Gaston Letonnelier,...( https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6543245q)
MÉMOIRES ET DOCUMENTS publiés par L'ACADEMIE SALESIENNE
Tome LIX
Tome XII - chapitre IX Vallorcine
Tome XCV  VIE RELIGIEUSE EN SAVOIE MENTALITÉS ASSOCIATIONS , Actes du XXXIe Congrès des Sociétés Savantes de Savoie , Annecy, 13-14 septembre 1986
Tome XXXX (https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5833982n)
Tome LXXXV: LA VIE QUOTIDIENNE à VALLORCINE au XVIIIe SIECLE par Germaine LEVI-PINARD
LE DIOCÈSE DE GENÈVE (PARTIE DE SAVOIE) PENDANT LA RÉVOLUTION FRANÇAISE, PAR M. l’Abbé P-M. LAVANCHY / Archiprêtre-Curé de Saint-Jorioz
Académie Florimontane, 2021-263709: Revue savoisienne : journal publié par l'Association florimontane d'Annecy : histoire, sciences, arts, industrie, littérature / Jules Philippe, directeur-gérant / F. COUTIN Un incident de l'occupation française (entre Vallorcine et Chamonix, 1711-12).
L'ABOLITION DES DROITS SEIGNEURIAUX X\EN SAVOIE PAR MAX BRUCHET
LE PRIEURÉ DE CHAMONIX: HISTOIRE DE LA VALLÉE ET DU PRIEURÉ DE CHAMONIX du Xe au XVIIIe siècle / PAR  ANDRÉ PERRIN / D'APRÈS LES DOCUMENTS RECUEILLIS PAR A. BONNEFOY, NOTAIRE A SALLANCHES
Chronica Gallica ad 452, éd. Th. Mommsen, dans les Monumenta Germaniae historica, Auctorum antiquissimorum, t. IX, p. 660.
Site Internet de » La restauration de l’église de Vallorcine » (https://www.eglise-vallorcine.fr/)
• Carte du diocèse de Genève : Helvetia Sacra, I/3, 1980; Encyclopédie de Genève , 5, 1986, p. 103
Carte des Walser: https://www.vorarlberger-walservereinigung.at/vwvwp/die-walser/siedlungen/
Carte de Savoie au XIIIème siècle Par Alphathon /ˈæɫfə.θɒn/ (talk) — File: own workData: Droysens-26.jpg, CC BY-SA 4.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=53874800
E V'LYA: 26 Juillet 2005 , Rédigé par Charles Gardelle
LES CHEMINS DU BAROQUE

« Il aura fallu attendre les Jeux olympiques de 1992 pour que l'art baroque en Savoie, longtemps ignoré et tenu à l'écart des itinéraires touristiques, connaisse un véritable regain d'intérêt. Profitant de l'élan donné à la région, le conseil général a alors décidé de remettre en valeur ce patrimoine méconnu de la Tarentaise à la Maurienne, en passant par le Beaufortin et le Faucigny ». En ces mots, Jean-Paul Gay, guide à l'origine de la réhabilitation du Sentier du baroque au pays du Mont-Blanc, démontre la volonté des acteurs actuels locaux de mettre en valeur ce patrimoine souvent oublié. Inaugurés donc en cette année 1992, les Chemins du baroque® sillonnent la Savoie au travers plus de 90 sites entre églises, chapelles, villages isolés et paysages somptueux.

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